L’eau de chaux

Prenez 1 Kg de chaux vive, jetez la dans 3 litres d’eau (écartez vous le temps de la réaction) et laissez reposer. Le lendemain penchez vous sur le seau. Vous verrez au fond … la chaux en pâte, blanche, et au dessus … une eau transparente, l’eau de chaux.

A la surface de l’eau, un film de matière solide se casse dès qu’on le touche.

Cette pellicule translucide se forme par réaction de l’eau de chaux avec le gaz carbonique de l’air. (l’hydroxyde de calcium en suspension dans l’eau de chaux se carbonate au contact de l’air)

Au fond du seau la chaux en pâte commence son lent mûrissement.

Comme les bons vins, elle va se bonifier pendant des années si on lui en laisse le temps. Elle n’en sera que meilleure.

Introduction à l’article :
L’article publié en Italien aborde la consolidation de fresques et de peintures, mais il nous apporte des informations sur les conditions d’application de l’eau de chaux. Les artisans utilisent parfois l’eau de chaux pour reminéraliser les pierres qui perdent leur cohésion en surface (pas en profondeur).
Préparer de l’eau de chaux est simple mais l’appliquer demande quelques précautions … de nombreuses passes, ne pas laisser cristalliser en surface et appliquer de préférence par temps froid. Dans l’ouvrage « La chaux et le stuc » de l’école de Léon, en Espagne, il est aussi précisé qu’on utilise traditionnellement l’eau de chaux pour …⤵
  • Pour dissoudre les pigments pour la peinture à fresque
  • Pour consolider la pierre, les mortiers et les stucs (30 applications sur plusieurs jours précise le livre)
  • Pour réaliser des voiles décoratifs et protecteurs en surface, par mélange avec des terres ou des ocres.
Vous trouverez ci-dessous l’article en entier,  traduit de l’Italien : Article original de Daniela Pittaluga, faculté d’architecture de Gène, département des sciences de l’architecture.  Publié par le « Forumcalce« 
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L’ARTICLE : 
(les remarques que m’ont inspiré l’article sont entre parenthèse et en italique dans le texte)
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Domaines concernés : 
Protection et consolidation des pierres, des enduits et des briques atteints par un début de perte de cohésion superficielle. Conservation et protection du patrimoine.
Le traitement à l’eau de chaux est une méthode traditionnelle qui s’appuie sur la transformation en carbonate de calcium solide des solutions de laits de chaux (hydroxyde de calcium).
L’eau de chaux réagit avec le dioxyde de carbone de l’air pour donner un carbonate de calcium insoluble. L’eau de chaux entre dans les pores des matériaux et elle a un effet de fixatif à la surface des matériaux altérés, et un effet de protection contre les composés agressifs présents dans l’atmosphère. En résumé ce traitement reconstitue le carbonate de calcium initialement perdu par les matériaux.
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Les avantages :
Le traitement à l’eau de chaux est une des techniques de protection et de consolidation les plus compatibles avec les supports et matériaux historiques, du point de vue chimique et physique. Avec le traitement à l’eau de chaux la consolidation se produit selon le même processus de durcissement qu’un enduit ou une peinture à la chaux, par un processus de carbonatation qui forme des cristaux de dimension identique à ceux d’origine.
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L’utilisation de matériaux naturels, n’est pas toxique pour l’environnement, ni pour les opérateurs. Il ne se produit aucun sous-produit nocif qui puisse à son tour donner lieu à des phénomènes d’altération du matériau. Le choix de ce traitement ne gêne pas les consolidations à venir. L’eau de chaux est perméable. ce n’est pas un produit filmogène.
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Précautions :
Ce traitement doit être effectué par un personnel hautement spécialisé. Pour un bon résultat le traitement nécessite quelques précautions, tant dans la phase de préparation du matériau de base, que dans son l’application.
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La préparation de l’eau de chaux
On ajoute de l’eau à la chaux éteinte en poudre dans de telles proportions que l’on obtienne une sursaturation de l’eau. On laisse décanter l’excès d’hydroxyde de calcium pendant environ 24 heures, puis la solution claire (au dessus) est séparée du sédiment (qui reste au fond). On examine bien la solution après décantation et avant utilisation. Elle doit être parfaitement claire, exempte de particules d’hydroxyde ou de carbonate de calcium en suspension. On le contrôle en observant la solution avec un rétro éclairage à travers un récipient transparent.
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(l’article parle de chaux en poudre sans préciser si c’est une chaux vive que l’on vient d’éteindre, ou de la chaux achetée en poudre. Il est également probable que l’eau de chaux d’une chaux en pâte doit convenir et elle est probablement plus forte. Je suppose aussi que la chaux en poudre doit être aérienne, pas hydraulique)

Avec un récipient de stockage bien isolé et un couvercle étanche à l’air on gardera l’eau de chaux froide. La solubilité de l’hydroxyde de calcium dans l’eau augmente en fait avec l’abaissement de la température. On recouvre la surface de l’eau avec un isolant qui flotte pour éviter la formation d’une pellicule de calcite. Une utilisation rapide évitera l’épuisement de la solution (pour ne pas perdre la chaux libre qui cristallise en surface au contact de l’air)  On agite fréquemment pour s’assurer une saturation permanente de la solution. (apparemment contradictoire avec le fait de chercher à limiter le contact entre l’eau de chaux et l’air).
Modalités d’application :
On applique l’eau de chaux sur un support parfaitement propre et, si nécessaire, consolidé dans les zones à risque. L’eau de chaux est pulvérisée sur la surface à saturation, puis l’on retire immédiatement et soigneusement tout excès en surface à l’aide d’une éponge humide. Le support (pierre, enduit ou brique) doit avoir la même température que l’eau au moment de l’application. On favorise ainsi la pénétration dans le matériau et la carbonatation de la solution à l’intérieur. Ca empêche le carbonate de calcium de cristalliser à la surface et de freiner la pénétration de l’eau dans le matériau traité. On préférera les jours froids et humides (pour la raison indiquée ci-dessus), pour contrôler, tout au long de l’opération, l’absorption uniforme de la consolidation, de sorte que la formation de nouveaux cristaux se fasse au sein de la microstructure et pas à la surface, où il formerait une patine blanchâtre de carbonate de calcium difficile à enlever.
Action effective : Elle est principalement physico-chimique.
Pour consolider un feuil pictural à l’eau de chaux, il est possible, selon l’état de la peinture qu’il soit nécessaire d’alterner le traitement avec un voile (papier de chine) pour tout à la fois refixer les couleurs décollées et enlever les poussières.
(Les légendes des illustrations illustrent ce paragraphe)
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On vient d’humidifier  le deuxième tissu. Le premier papier de soie a séché, il est  prêt pour un second passage.
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L’eau de chaux est appliquée avec un pinceau sur du papier de soie japonais. On mouille complètement le du tissu avant de l’appliquer sur une partie adjacente de la fresque.
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Le second tissu est sec. Il est prêt pour une nouvelle passe. Après ces premières passes avec un pinceau l’on peut procéder à des applications par pulvérisation.

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Après une dizaine de passes d’eau de chaux, la surface de la fresque est un peu grasse au toucher.
Domaines d’application et objectifs :
Le système est surtout utilisée pour protéger et consolider les pierres, les céramique ou le plâtre.
Les champs d’application :
Les solutions saturées et sursaturée d’l’hydroxyde de calcium sont utilisés pour la restauration de fresques, de peintures murales, de murs de pierre ou la maçonnerie de briques. Ce traitement est efficace même en présence d’humidité.
Phases opérationnelles :
Le traitement à l’eau de chaux permet de consolider les supports.
Cette opération sera effectuée seulement si c’est nécessaire. Dans la plupart des cas, cependant le traitement à l’eau de chaux, intervient à la fin de l’opération, afin d’apporter la consolidation recherchée.
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Nettoyage :
Eliminer complètement tous les matériaux d’altération, cohérents et incohérents présents sur le substrat à traiter. Cette opération est indispensable pour assurer une bonne adhérence de l’eau de chaux. Jointoyer les lacunes et les manques de petite taille. Humidification de la surface. Il faut humidifier la surface à traiter avec une brosse douce imbibée d’eau.
Application de l’eau de chaux : 
Le nombre et le temps entre les applications d’eau de chaux dépend des conditions climatiques et du support. On peut compter au maximum 30 à 50 applications sur une période de quelques jours. La consolidation de la couleur suppose des applications répétées à saturation avec un nébuliseur et ensuite avec des brosses douces. La brosse doit être passée toujours avec le même mouvement de gauche à droite et de haut en bas.  En général, on applique par couches successives croisées (par exemple dans le sens horizontal puis vertical), pour ne pas laisser de zones non traitées.
Contrôles périodiques :
L’efficacité du traitement peut être empiriquement constatée au cours du travail, avec des contrôles périodiques effectués par le frottement de cotons tiges humectés. Ces contrôles visent à vérifier la per méabilité, l’adhérence et la résistance à l’abrasion des surfaces traitées. Dans certains cas, il peut être necessaire d’ajouter à la solution à base de chaux un fixateur, ou d’appliquer, une dernière passe d’eau avec un fixatif. Les principaux fixateurs utilisés sont la caséine, le calcium et le lait de vache avec l’addition d’un anti-cryptogammique (généralement l’ammoniaque) qui permet la conservation.
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On peut également ajouter des pigments colorés, mais dans ce cas, l’effet obtenu est similaire à l’intégration de la couleur dans un voile (« velatura »).
Matériaux, outils et exigences générales : 
De façon schématique l’opération implique l’utilisation des matériaux et des outils suivants: brosses à poils doux en nylon ou en soie (pour éliminer les particules atmosphériques et les dépôts incohérents). Pinceaux doux en soie animale ou brosses. Nébuliseur manuel.
Précautions et limites :
En raison de l’alcalinité de l’hydroxyde de calcium, la méthode ne peut pas être utilisée sur des matériaux trop sensibles aux changements de pH (en particulier pour des pH> 12), par exemple dans les peintures dont les pigments sont à base de cuivre, de laques organiques et les peintures réalisées à sec avec un liant organique.
La vérifications des interventions sur les éléments en pierre ont détecté une carbonatation efficace de l’hydroxyde seulement en surface (dépôts calcaires se trouvent dans quelle mesure appréciable que dans les 2 premiers mm d’épaisseur de la pierre de taille).  Celà empêche la pénétration ultérieure de l’anidride de carbone vers l’intérieur de la pierre. En outre, il a été constaté que le carbonate de calcium peut créer au sein du matériau, pour certains types de roches, des tensions très fortes qui peuvent conduire à de véritables microfissures internes.
Le succès de l’intervention est en grande partie dépendant du nombre élevé de passes appliquées, ce qui implique nécessairement beaucoup de temps.
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Pour maintenir l’efficacité du traitement il est nécessaire de répéter l’opération (environ tous les 10 ans).
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LEXIQUE : 
– Eau de chaux: solution saturée limpide (ou sursaturée) d’hydroxyde de calcium.
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– Antifongique ou anticryptogamique : produit qui empêche la croissance de la végétation, l’un des plus utilisé en restauration est l’ammoniac.
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– Hydroxyde de calcium: composé chimique peu soluble dans l’eau, de pH = 12,5 (réaction fortement basique). Formule: Ca (OH) 2.
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– Carbonatation:  Réaction chimique qui a lieu lorsque la chaux se combine avec le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère pour former du carbonate de calcium et éventuellement de magnésium.
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– Carbonate de calcium: sel minéral de formule chimique CaCO3.
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