DES PALETTES DE COULEUR par technique.

Cet article est un peu à part des autres. Il s’adresse aux architectes des Bâtiments de France et des CAUE qui conseillent des communes dans la mise en valeur et mise en couleur des façades de leurs centres anciens.

Je présente ci-dessous la façon dont j’aborde la réalisation des « Palettes de couleurs » demandées par les communes.

Dites moi ce que vous pensez de cette approche « ATC » pour « Architecture Techniques et Couleurs ».

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J’attends vos avis pour savoir si cette méthode répond à votre conception des couleurs du bâti ancien.

J’ai présenté cette démarche au colloque international « La coloration des façades en Europe »  à Strasbourg en mars 2012, au conseil de l’Europe et à Nîmes dans le cycle de conférences du CAUE du Gard.

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LES RACINES DE LA COULEUR des façades anciennes.

Le suivi d’opérations façades et la réalisation de palettes pour plus de 50 communes en Languedoc-Roussillon (a) m’ont donné l’occasion d’approfondir les problématiques liées à la mise en valeur des façades anciennes. (b)

Toute façade pose trois questions :

– Quelle est sa typologie architecturale ?

– Quelles sont les techniques adaptées à sa mise en valeur et la conservation durable de ses éléments ?

– Quelles couleurs lui appliquer ?

Les formations professionnelles nous induisent généralement à aborder séparément ces trois domaines.

L’ARCHITECTURE sous l’angle historique et stylistique.

LES TECHNIQUES adaptées au bâti ancien avec des références tiraillées entre les sciences contemporaines et les recettes appliquées sans réelle compréhension.

LA COULEUR peu prise en compte dans les projets d’architecture est choisie « au mieux » par l’architecte ou le coloriste, en fonction de critères difficiles à cerner.

L’interdépendance de ces trois notions m’est apparue peu à peu essentielle.

J’ai baptisé cette démarche « L’approche ATC » pour Architecture Techniques et Couleurs.

Ce sont en fait trois couples : Architecture et typologie / Techniques et matériaux / Couleurs et Aspects de finition.

(a) – La pratique de la couleur dont je témoigne est liée au bâti ancien, principalement en Languedoc-Roussillon. Hors Languedoc-Roussillon j’ai réalisé les palettes de Chambéry, Milhau et Saint Tropez.

A Bayonne j’ai réalisé les relevés pour Hervé Nicolas, artisan formateur expert, qui a finalisé la restitution et assuré des formations en complément.

(b) – Il n’y a pas de définition claire de « bâti ancien », mais je désigne ainsi les constructions qui ont en général plus d’un siècle, dont les murs ont été hourdés sans ciment et qui constituent le tissus des noyaux historiques, protégés ou non, des villes et villages.

Ces trois notions sont ordonnées. On qualifie A puis T puis C (la Couleur en dernier)

Il y a toujours à l’origine une Architecture (même sans architecte) avec les Techniques de son époque, cohérentes, économie de moyens et de matériaux oblige.

Ces Techniques à base de pierres, briques, bois et enduits apportaient à l’Architecture ses couleurs parmi lesquelles on distingue à raison les Couleurs de l’environnement (photo 1) apportées par les matériaux, et les Couleurs choisies apportées par des pigments. (photo 2)

1 – Une couleur issue de l’environnement, un enduit teinté en masse par un sable terreux.
2 – Les badigeons de chaux colorés par des pigments témoignent de couleurs choisies dans un contexte à décrypter … dans la mesure du possible.

Mais les façades subissent des transformations au cours du temps. L’approche ATC permet de constater et de qualifier les discontinuités entre le rapport ATC d’origine et le rapport ATC actuel.

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APPLICATION DE LA MÉTHODE à l’étude des façades anciennes.

A comme Architecture

L’étude préalable à la palette doit situer le bâti de référence par son architecture, elle même décortiquée en éléments caractérisés du point de vue historique et stylistique (types de murs, de débord de toit, de baies, de menuiseries, de ferronneries … etc.)

Typologies et règles de mise en valeur :

La description du bâti existant sur le territoire étudié se synthétise souvent par la proposition d’une typologie par groupes de mêmes caractéristiques. On tente ainsi de maîtriser la diversité foisonnante du bâti. Nécessaire mais relative, la typologie a un bût pédagogique et pratique. A chaque type sont associées des recommandations stylistiques, techniques et coloristiques.

TYPOLOGIE, l’exemple de Montpellier : L’étude portait sur les faubourgs, un bâti XIXème assez homogène, ponctué de bâti collectif. Pour la typologie j’ai proposé à l’ABF et à l’architecte de la ville de classer les façades par technique, des architectures les plus prestigieuses au plus dénaturées.

(photos 3 et 4 :  un extrait de carte et la légende)

Carte des typologies retenues
Cette typologie sert à orienter le conseil à la façade. Elle renvoie à des recommandations par type de bâti.

Commentaire de la légende : 

ROUGE : Bâti exceptionnel (façades de grande qualité, hôtels particuliers) Cette catégorie n’est pas associée à des règles générales. Chaque façade reste un cas particulier à traiter en fonction de sa technique dominante. La Technique T est généralement la pierre de taille mais parfois la brique ou le ciment naturel prompt. La Couleur C sera le ton pierre ou brique ou prompt.

MARRON : Architecture en Pierre de taille. Architecture = Technique = Couleur

MARRON + A : « Assimilées pierre de Taille » quand les panneaux sont enduits.

(Technique : Enduits et Pierre de taille pour les modénatures) mais l’effet recherché est celui d’une façade en Pierre de Taille. Donc la Couleur sera Ton Pierre.

ORANGÉ : XIXeme cohérent. Façades plus simples aux modénatures moins complètes. Technique =  enduits et la Couleur dépendra de la Technique choisie.

JAUNE : XIXème peu altéré. A traiter comme ORANGÉ

VERT : XIXème très altéré (irrécupérable) à traiter comme GRIS

BLEU = Immeubles sans qualité dés l’origine, en général des reconstructions XXème. T = Enduits industriels ou Peintures. C dépend de la technique choisie Les palettes très réduites cherchent à ne pas souligner ce bâti sans qualité.

GRIS = Les immeubles collectifs, aux masses imposantes, ponctuent les faubourgs XIXème. T est presque toujours une peinture organique ou un RPE. C se réduit au blanc à peine cassé. Cette règle part d’un constat. Le blanc valorise les rares immeubles aux lignes soignées et limite l’impact des autres, sans grande qualité de conception.

La palette de Montpellier illustre le principe de base d’une « palette ATC » : Lier la Couleur à la Technique, elle même déterminée par l’Architecture.

En pratique, si on applique une peinture minérale, un stuc ou un enduit à la chaux teinté en masse par le sable (sans pigments) les palettes proposées sont plus larges. Si on applique une technique d’enduit industriel, dont les aspects de finition sont pauvres, la palette proposée est très réduite. Autrement dit pour pouvoir appliquer des couleurs affirmées on devra choisir une technique qui garantisse la qualité de l’aspect de finition.

Ce tableau de synthèse relie le type de bâti aux couleurs regroupées par technique.

Nous allons suivre le rapport entre l’Architecture, les Techniques et les Couleurs tout au long d’une étude.

 

T pour Technique.

Du relevé des techniques in situ à leur mise en forme.

On prépare le relevé en amont, par la lecture d’ouvrages sur le bâti local, ses matériaux, ses éléments caractéristiques, son histoire et des recherches en archives.

A l’évidence le regard est discriminateur. On ne voit pas les techniques que l’on ignore. Il faut avoir observé et « décortiqué » avec un formateur un enduit au balais (photo 7), un enduit graissé (photo 8), pour les repérer ensuite, surtout si ces techniques ont été très altérées par le temps.

Un même aspect de surface peut relever d’un stuc, d’un enduit serré contenant une terre argileuse ou d’un enduit graissé. (photo 9 aspect stuc),

En Languedoc-Roussillon (L.R) région où j’ai réalisé une cinquantaine d’études, au XVIIIème siècle les enduits sont fouettés (appliqués au balais) ou projetés à la truelle, mais ces techniques sont encore en usage fin XIXème.

Les enduits talochés se développent dans la 1ere moitié du XIXème et vers 1850 des badigeons colorés apparaissent. Les enduits talochés deviennent alors plus tendus, des décors simples filets, fausses chaînes harpées accompagnent les badigeons. (photo 10 décors simples),

Décor à Saint guilhem (relevé pour l’étude de ZPPAUP)

On trouve ces décors avec les premiers badigeons colorés dans un village qui a connu une immigration Italienne. L’apport d’un savoir-faire est probable puisqu’à la même époque les villages voisins sans immigration Italienne restent de la couleur des sables et terres de l’environnement immédiat. Avant le milieu du XIXème le badigeon est blanc et grossier, c’est un chaulage appliqué sur toute la façade ou seulement sur les encadrements. (photo 11 chaulages).

Chaulage partiel autour d’une baie. Lodévois.

A chaque époque, quand un enduit est refait on applique en général le type d’enduit ou de finition en vogue à l’époque de réfection. Ainsi chaque période habille à sa mode le bâti antérieur.

Pour des couleurs incarnées.

Les nuanciers nous aident à contretyper les couleurs des menuiseries et des peintures minérales, badigeons et silicates.

A gauche peinture silicate posée à plat et à droite patine rapportée au spalter. Effet de voile (velatura).

En centre ancien les peintures organiques relèvent de choix trop arbitraires ou trop récents pour mériter l’attention, et l’aspect d’un enduit ne peut se réduire au ton à plat d’un nuancier.

On va donc prélever sur les murs toutes les techniques qui ne peuvent se réduire à un ton à plat, puis prélever dans l’environnement les sables, terres, pierres qui composent les enduits à restituer. On va observer et décrire les techniques avant de les reproduire en échantillon à partir des matériaux locaux. (photo 12 échantillons)

Echantillon échelle 1 reproduisant les techniques et couleurs relevées lors de l’étude pour la Communauté de Communes du Lodévois-Larzac.

On redonne ainsi à voir à l’état neuf les techniques et les teintes qui en résultent, sans réduire la richesse d’un aspect de finition à une simple couleur.

Il est à noter que l’on trouve une beaucoup plus grande diversité de techniques dans un milieu rural comme le Lodévois-Larzac que sur le territoire d’une grande ville comme Montpellier. La campagne est, de fait, un conservatoire des techniques pour les villes qui, plus riches, effacent à intervalle régulier leurs propres traces.

On peut re-proposer les techniques observées sur les territoires où elles ont quasiment disparues, redonner les aspects de finition dans leur richesse originelle à partir des matériaux réels. (photo 13 relevé de traces dans le Lodévois)

13 – Relevé d’un enduit, de son décor (filet à la mine de plomb) et des techniques.
En cours d’étude, on prélève tous les matériaux locaux qui serviront à reproduire en échantillon les techniques de référence identifiées sur le secteur étudié. Ici Pélite (Ruffe en décomposition) vers le Salagou.

On évite ainsi l’écueil le plus fréquent des palettes qui est de réduire à une  « couleur » la richesse qualitative d’un aspect de finition, et de gommer ainsi le savoir-faire et les matériaux qui composent par exemple un enduit (taille des grains, couleurs, présence de terre incluse ou en patine éolienne, type de finition). (photo 14 exemple de mortier d’aspect riche)

14 – Exemple d’enduit composé de sables de grosseur et couleurs variées, comme on n’en trouve plus dans le commerce. On peut approcher cet aspect par un ajout modéré de sables locaux au sable du commerce utilisé pour le dosage de base.

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Pour les enduits il est nécessaire, à partir des échantillons de référence composés à l’aide des matériaux réels prélevés dans l’environnement, de trouver les aspects d’enduits les plus proches à partir de sables du commerce. Des terres locales peuvent apporter leur teinte (il en faut peu à fresco), mais on peut aussi copier les teintes des terres naturelles avec des terres colorantes du commerce. (photo 15 badigeon teinté avec une terre locale à Valergues).

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15 – Colature (badigeon avec charge) teinté en remplaçant une part du marbre en poudre par la terre locale.
15 – Badigeon teinté en masse par la terre locale.

Pour les badigeons on formulera une palette de vrais badigeons ce qui permet de donner leur composition aux artisans qui le souhaitent. (photo 16 – palette de badigeons de St Tropez)

16 – Palette des couleurs de badigeon de Saint Tropez.

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Pour toutes les techniques, on part dans un premier temps, des matériaux de l’environnement pour donner en référence les aspects de finition à une échelle suffisante. On valorise ainsi les artisans qualifiés qui savent restituer la richesse d’aspect des techniques adaptées.

Des formations doivent accompagner  la mise en place de toute opération façade pour remettre en évidence les techniques de référence, à la chaux, avec des matériaux les plus locaux possibles.

Rarissimes sont les façadiers qui maîtrisent tout à la fois un enduit taloché et la reprise d’une modénature en pierre avec un produit adapté techniquement et esthétiquement. La variabilité qui fait la richesse des aspects s’oppose à la régularité des produits industriels.

C pour Couleurs.

Après avoir relevé les caractéristiques du bâti regroupé en typologies, et identifié au mieux les techniques, il nous reste à relever les couleurs.

Pour les menuiseries et ferronneries on relativisera les teintes relevées qui n’ont que quelques dizaines d’années (un peu plus sur les ruines) par rapport aux teintes des enduits qui peuvent dépasser le siècle sans être d’origine et par rapport aux pierres de parement qui renvoient à la date de construction.

Photos 17 La couleur du sulfate de cuivre dans les région viticole / 18 Le rouge sang de bœuf dans le pays Basque  / 19 Le bleu lavande, une idée de la Provence : 3 histoires de couleurs qui mêlent technique et culture, les seules sources qui donnent  sens à la couleur.

17 – Le sulfate de cuivre utilisé dans la vigne se retrouve sur les portes hautes des remises.
18 – On a retrouvé à bayonne, sur des pans de bois murés, le rouge du sang de boeuf. C’est en fait un marron rouge de la couleur du boudin. Quand on a copié l’idée du sang on a appliqué un rouge plus franc.
19 – En relevant des couleurs dans l’arrière pays de Béziers, je me suis rendu compte que les volets bleu lavande (qui n’ont jamais existé dans la région) étaient appliqué par des Hollandais sur la maison du Sud synonyme pour eux de la Provence avec ses champs de Lavande.

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Le modèle idéal de la cohérence ATC d’origine est brouillé par tous ces décalages temporels. Si l’Architecture n’a pas été altérée, la Technique de l’enduit témoigne souvent d’une époque postérieure et la Couleur peut relever d’un choix encore plus récent.

Il m’est arrivé, avec l’accord de l’ABF, de décider de ne retenir aucune des couleurs de menuiseries d’un village « Cathare » et de proposer une palette plus cohérente en référence à des teintes relevées dans le département.

La multiplication des teintes de menuiseries répond à une demande mais pas à une nécessité. En Italie les volets sont majoritairement dans des tons très sombres, verts, verts-bleus, gris … en contraste de valeur sur les murs colorés.

(photo 20 – Couleur des volets en Italie sur la côte Ligure)

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En Italie les couleurs des façades sont expressives par leur harmonie mais la palette est resserrée, en particulier pour les volets, souvent sombres et peu colorés. Un art de la couleur à l’inverse de nos étalages discordants.

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Les badigeons colorés témoignent de couleurs choisies mais le nombre de pigments disponibles limitait les choix.

Un autre paramètre rend ces teintes anciennes intéressantes (photo 21 relevé de couleurs de badigeons en Languedoc-Roussillon). Elles témoignent de la connaissance des couleurs que pouvaient avoir les artisans quand ils préparaient eux-mêmes leurs teintes.

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21 – Couleurs de badigeons relevées en Languedoc-Roussillon (extrait de 2 pages sur 6)

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On ne comprend la couleur qu’en la pratiquant et l’artisan formulateur, peintre ou maçon utilisait les mêmes pigments en façade et en sol, à l’intérieur et à l’extérieur (excepté quelques pigments trop coûteux ou instables à la chaux, inusités en façade).

Cette familiarité avec les teintes donnait à l’artisan un rôle de conseiller. Il pouvait proposer quelques harmonies éprouvées. En recopiant les harmonies anciennes on apprivoise un peu du savoir des artisans formateurs. Nous pourrons nous écarter de ces repères quand nous maîtriserons ces techniques et cette culture.

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Plus de choix et moins de raisons de choisir.

Les nuanciers ont multiplié les possibilités de choix mais enlèvent à l’artisan sa pratique de la couleur. De formulateur il est devenu simple applicateur.
A cette perte de repères par la pratique s’ajoute la dissolution des références culturelles communes.

Les couleurs, quand elles ont du sens le doivent pourtant à la cohérence de la technique, à la qualité des matériaux ou à une référence culturelle (l’apport de l’immigration Italienne par exemple, ou le rouge Basque du sang caillé). (photo 18)

Sans ces balises la couleur devient une abstraction, un choix arbitraire qui renvoie au goût du propriétaire, lui même sous influence.

Les possibilités de choix se sont multipliées mais les raisons de choisir, les références communes ou les cohérences techniques se sont amenuisées.  Il en résulte les dérapages multiples que l’on observe entre le bâti ancien et les teintes qu’on lui applique.

badigeon bleu Agde
22 – On trouve quelques badigeons bleu saturé à Agde. A Carcassonne des gris-bleu peut-être liés à l’emploi d’acétylène à la place de la chaux. A Narbonne on trouvait des bleus clairs.

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En Languedoc-Roussillon les teintes des murs prenaient les couleurs de l’environnement, pierres, sables, sables terreux et patines éoliennes des terres environnantes, complétées à partir de 1850 par une gamme qui va de l’ocre rouge à l’ocre jaune parfois saturé, et quelques rares et tardifs oxydes bleus, rouges ou verts (photo 22).

Cette palette resserrée mais suffisante va à l’encontre des pratiques et de la demande. Quand on s’est autorisé à appliquer à nouveau des couleurs sur les façades après quelques décennies d’abstinence « Ton Pierre » ou « Ile de France » on avait perdu tout repère et toute pratique de la couleur. On a cru qu’il fallait pour une palette de nombreuses couleurs pour les murs et encore plus pour les menuiseries. Il en résulte des palettes ingérables.

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De guide, les palettes deviennent souvent l’alibi des dénaturations.

« On a respecté la palette et pourtant ça ne marche pas ». Le relevé supposé exact de la teinte d’un badigeon orangé-rouille reproduit dans la palette et copié avec soin par un peintre armé d’un nuancier de 2000 teintes donnera en peinture organique un orangé trop agressif ou un marron trop fade. Les nuances du badigeon ne sont plus là pour rendre à ce ton rouille toute sa profondeur.

L’élaboration d’une palette pour une commune ne doit pas désincarner les couleurs observées. Pour garder les racines de la couleur on veillera à restituer une palette par technique, avec les matériaux les plus proches possible des techniques de référence :

– Une palette pour les peintures minérales, inspirée par les traces de badigeons.

– Une palette pour les enduits, à base de sables et de patines à la terre.

– Une pour les menuiseries et ferronneries, parfois en référence à quelques teintes relevées mais surtout en rapport avec des sources historiques et complétée par un relevé des nuances de la végétation locale.

– Une autre palette pour les encadrements de baie (des formules de mortier pierre à base de pierre locale concassée) qui copie les pierres des modénatures du site étudié.

(photo 23 encadrement en mortier pierre à base de calcaire tendre local concassé. Aucune différence avec la vraie pierre sciée)

23 – Les mortiers de reprise des pierres doivent retrouver la texture et la teinte des pierres du lieu.

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Conclusion

Pourquoi rechercher l’adéquation ATC initiale entre Couleurs, Techniques et Architecture ?

Parce qu’elle a fait ses preuves et que la diversité historique restituée sera toujours plus variée, vivante et surprenante que nos improvisations les mieux inspirées.

Il ne s’agit pas de copier mais de se réapproprier les savoirs et les savoir-faire, de comprendre de l’intérieur les cohérences en jeu.

Quand nous serons sûrs d’avoir ré-assimilé ces savoirs imbriqués nous pourrons retrouver la liberté d’improviser, comme en musique, sur la base d’une solide maîtrise.

Pour le bâti neuf l’équation n’est pas la même. La cohérence ATC sera trouvée dans le cadre limité des techniques industrielles présélectionnées pendant l’élaboration du projet.

Dans le bâti écologique le projet est par nature ouvert à la qualité des matériaux. La palette des aspects de finition recoupe souvent les techniques adaptées au bâti ancien. La cohérence ATC s’en dégage naturellement.

Se former aux techniques de référence est primordial

C’est l’orientation que les communes en opération façade doivent favoriser : Exiger des travaux de qualité et former la main d’œuvre qui saura entretenir les centres anciens patrimoniaux sans les altérer.

Un label « Artisan du patrimoine » est à souhaiter.

Formations et label peuvent renverser la tendance actuelle des opérations façades dont la qualité se règle sur celle du moins disant, au nom de la libre concurrence. Quand les meilleurs artisans « donneront le La », l’argent public investi dans les subventions aura tout son sens. Il favorisera les travaux de qualité et durables au lieu d’accélérer le travail standard qui dénature souvent le bâti.

Les couleurs qui habillent les façades des centres anciens dépendent, on le voit, de nombreux paramètres.

Elles doivent résulter d’une technique de qualité elle même adaptée au caractère du bâti.

Elles dépendent de la maîtrise des artisans, des formations, de la cohérence des règlements et des subventions qui vont favoriser ou non les applications qualitatives.

Alors la question de la couleur sera devenue secondaire. Elle sourdra des matériaux assemblés avec soin, du geste juste et des savoirs et savoir-faire retrouvés.

Après-demain peut-être.

Luc Nèples

En complément, si ça vous intéresse, la vidéo d’une conférence donnée à Nîmes pour le CAUE du Gard.

N’oubliez pas de donner votre avis.

Vous pouvez laisser un commentaire

en dessous de cet article.

Je vous en remercie.

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25 – Le « coloriciel », outil de simulation d’harmonies pour le conseil.

Publications :

Etude réalisée pour l’ARIM Languedoc-Roussillon pour répondre à une question simple : Comment qualifier  » Un enduit adapté aux supports anciens ? »Co-fiancement ARIM L.R / Direction du patrimoine, mission coût et économie du Patrimoine / ANAH / DRE L.R / ATILH / Cete d’Aix – CEBTP / Balthazard & Cotte / St Astier / Lafarge / Socli / Calcia.
« Fichues Façades » document de sensibilisation – « Portrait robot d’un enduit adapté aux supports anciens » synthèse de l’étude technique.

6 réflexions sur “DES PALETTES DE COULEUR par technique.”

  1. Bonjour
    d’abord le contenu de votre site est génial! 🙂 du haut de gamme.
    Je n’ai pas tout lu et vais peut-être faire une remarque qui n’a pas lieu d’être…

    Concernant la couleur bleu de portes en bois, etc…
    Cela me semble venir d’une vieille tradition : le pastel ou bleu indigo. Les restes des marmites servaient à peindre les portes, volets, en bleu et les protégeaient semble–il des insectes en plus. Je vous laisse creuser la question mais déjà comme piste il y a un producteur dans la Somme. (Amiens, comme d’autres villes dans le Sud avaient fait fortune avec ce Bleu avant l’apparition de l’industrie chimique). Ce bleu (qui n’est donc pas un pigment) servait aussi à teindre du linge, à fabriquer des craies pour les artistes, ….
    C’est aussi à lui que l’on doit la tradition du bleu en Normandie sur les portes…. mais bon tout ceci est à vérifier! 🙂 En tout cas je vous donne la piste pour votre curiosité scientifique!

    1. Bonjour et merci pour vos encouragements à continuer. Pour le bleu je n’ai pas la réponse mais en général la raison est technique ou pratique, comme vous le dites (réutilisation d’un reste de bleu utilisé pour autre chose). Il faudrait par contre vérifier si le bleu de la guede, le pastel qui est un bleu indigo doux, garde sa teinte aux uv et en contact avec le liant. L’enquête doit donc commencer par de la chimie (quel était le liant / le pastel tient il en contact avec ce liant) par exemple certains bleus ne tiennent pas si on les applique en badigeon de chaux. Autre piste … le « bleu charron » qui était utilisé sur les charrettes et qui est plus soutenu que le pastel et légèrement violacé. Selon la région l’origine du bleu « local » peut varier. Par exemple en pays viticole on pulvérisait le font des cuves de « bouillie bordelaise » (vert-bleu) sur les portails et portes hautes des remises. Avec la chaux qu’on ajoutait dans la bouillie ça finissait par donner un bleu-vert. Quand on est passé aux peintures organiques on a copié cette couleur et on trouve des bleu-verts qui ne sont pas des copies exactes du bleu-vert copié à l’origine. Avez-vous d’autres pistes ?

  2. Martin jean michel

    Bonjour Luc
    Je suis d’accord avec Christine,et si tu as besoin des retours d’experience ,je pense que tu connais beaucoup de monde pouvant t’aider la dessus ,moi le premier.
    Je reste toujours stupefait devant ton travail.

    @ +

    1. Merci Jean Michel. Je t’avoue que des encouragements venant d’artisans sérieux me fait particulièrement plaisir. Pour tes retours d’expérience je suis preneur. Je te poserai donc probablement des questions de temps en temps mais si tu as des observations, des avis sur des points qui te paraissent importants à traiter, dis le moi. L’idée de réaliser un document qui s’appuie sur les pratiques d’artisans formateurs comme toi, Philippe Ruiz ou Hervé (s) me plait plus que de rédiger tout seul dans mon coin. Donc probablement à bientôt et encore merci pour tes encouragements.

  3. CATALA Christine

    Bonjour Luc, c’est très intéressant, très cohérent.
    Une publication de référence sur ce thème serait nécessaire.
    A bientôt j’espère
    Christine Catala

    1. Merci Christine.
      Yves Belmont, qui est conseiller pour l’architecture à la DRAC Rhône Alpes, m’a déjà dit qu’il approuvait la démarche et que ça pourrait être la base d’un manuel. Encore quelques encouragements et je vais me pencher sur la question, mais je souhaiterai avoir AVANT d’autres retours d’expérience que les miens … Pour voir si la publication d’une méthodologie bien illustrée répond à un besoin ou non.

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