Un enduit adapté aux supports anciens : Portrait robot

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Quand j’ai commencé à travailler sur les façades des centres anciens j’ai cherché comme tout le monde des informations fiables et à l’évidence il y en avait peu.

Les artisans qui maîtrisent ces techniques écrivent rarement et ceux qui écrivent, en général ne pratiquent pas.

A propos des enduits un principe était énoncé systématiquement « il faut adapter l’enduit au support ancien« . Les évidences c’est bien mais savoir comment les mettre en pratique c’est mieux.

J’ai alors proposé une recherche pour répondre aux 3 questions soulevées par cette phrase :

  • Quels supports ? => Comment caractériser les supports anciens ?
  • Quels enduits ? => Caractériser les enduits anciens qui ont bien tenu pour savoir quels enduits faire aujourd’hui.
  • Quel rapport rechercher entre les caractéristiques du support et celles de l’enduit ?

Cette recherche a permis d’établir le « PORTRAIT ROBOT D’UN ENDUIT ADAPTÉ AUX SUPPORTS ANCIENS ».

INTRODUCTION

Avant d’envisager le test d’enduits anciens, objet de « l’étude performancielle, nous souhaitions seulement connaître les caractéristiques des enduits à base de chaux naturelles formulés de nos jours. A partir du test de différents dosages et bâtardages nous pensions pouvoir proposer des formulations qui répondent aux situations concrètes rencontrées sur les chantiers.

Nous ressentions le besoin de mettre en évidence les spécificités des enduits à la chaux par des connaissances objectives de façon à remplacer les arguments subjectifs et idéologiques en cours par un argumentaire technique.

Tout le monde affirmait la nécessité « d’adapter les enduits aux supports anciens », mais à la question « Quels enduits » il était répondu … « ça dépend du support et des conditions, il faut adapter l’enduit au mur à traiter » . Si l’on demandait comment s’adapter, aussitôt le voile du savoir-foire était tiré, sous entendu moi je sais faire, j’ai l’habitude, mais c’est un peu secret, c’est mon savoir-faire. Ça ne passait apparemment pas par les mots ni par une méthode mais plutôt par une pseudo intuition.

Chacun s’efforçait par son expérience isolée de recoudre les pièces disparates d’un savoir disparu.

Quelques principes précisaient cette notion d’adaptation. L’enduit devait rechercher des caractéristiques proches de celles du support. Il devait laisser respirer le mur et suivre le comportement mécanique des matériaux de faible résistance qui le composent. L’accord dépassait rarement ces principes généraux.

Le groupe de travail. composé de professionnels attachés à la chaux, souhaitait traduire en leçons concrètes les principes avancés.

Il était nécessaire de préciser chaque terme de la question posée.

1 – Quelles sont les caractéristiques d’un enduit adapté à un support ancien ? 

2 – Quel support ? Nous avons retenu le plus courant en Languedoc-Roussillon, le mur en pierres de tout venant, hourdé à joints larges et irréguliers à l’aide d’un mortier peu résistant.

3 – Quelle adaptation ?  

Principe de l’étude « performancielle »

Le rapport entre les caractéristiques d’un mur et celles de l’enduit nous a conduit à envisager l’étude des performances des enduits anciens à la chaux. Cette étude dite « performancielle » part d’un principe simple énoncé par M Mamillian qui participait au groupe de travail : « Quand on n’a pas assez de repères on commence par regarder les performances de ce qui marche ». La mesure des caractéristiques de vieux enduits pérennes a permis d’avancer des fourchettes de valeurs favorables à la tenue sur les murs anciens.

Nous avons retrouvé en fin de parcours notre question initiale « Quels enduits ? ». Les fabricants de chaux ont procédé à des séries de tests sur des mortiers formulés à partir de chaux naturelles du commerce. Ces mesures ont mis en évidence quelques particularités des enduits à la chaux.

Ce document résume les acquis issus tout à la fois de l’étude performancielle d’enduits anciens et des tests de mortiers à la chaux actuels.

Les observations in-situ ont souvent guidé l’interprétation des tests. comme la formulation des questions. Elles ont permis d’énoncer le « PORTRAIT ROBOT » d’un enduit adapté aux murs en pierres de tout venant, tel qu’il apparaît à l’issu de l’étude.

J’ai défini et piloté cette étude réalisée dans le cadre de mon activité au sein de l’ARIM Languedoc-Roussillon, en 1995.

Cet article présente les résultats d’une recherche qui a duré 8 ans. Elle était co-financée par la mission « Coût et économie du patrimoine », l’ARIM Languedoc-Roussillon et 5 fabricants de chaux. Trois laboratoires ont participé aux tests : Le CSTB le CEBTP et le CT d’Aix.

 Résumé des observations et conséquences pratiques

Vous trouverez tous les résultats chiffrés de cette étude à la fin de l’article, mais les principes mis en évidence, issus des observations in-situ et des échanges entre professionnels, sont au moins aussi importants. Voici ces principes.

L’enduit doit créer des conditions sanitaires favorables à la conservation des matériaux les plus sensibles du support. Contrairement à nos attentes, les pierres en calcaire tendre ne sont pas la partie la plus fragile. Ce sont les joints en terre crue.

En pratique, quand on pique un enduit, l’état des joints, durs ou réduits en poussière par l’humidité, révèle à quel point l’enduit était adapté au support. Il est fréquent que sous un enduit en ciment « en bon état » on trouve des joints complètement réduits en poussière, sans résistance. A l’inverse derrière un enduit à la chaux plus que centenaire à moitié dégradé les joints sont souvent tout à fait stables, durs comme une motte de terre sèche.

Les enduits s’accrochent aux murs en pierres de tout-venant par moulage des pierres. Le collage à la surface des pierres reste marginal, contrairement à nos présupposés. En pratique un enduit ancien peut sonner creux à l’aplomb d’une pierre et être très bien accroché par les joints tout autour de la pierre. Si cet enduit est stable (ne se désagrège pas) on peut le conserver en place même s’il sonne creux. On peut éventuellement le recoller par coulinage ou faire une reprise locale avec un mortier de même nature (aussi poreux et aussi souple).

La continuité entre les couches est primordiale. Continuité entre l’ancien joint et le nouveau qu’il faut donc serrer. Il n’y a pas 3 couches. Le même sable est utilisé du sous enduit à la finition. La finition est parfois tamisée plus fin. Les sous couches sont seulement criblées, le sable est plus gros. L’application se fait en plusieurs passes avec des vides de mise en place dessous. Par contre la finition est serrée.

Les badigeons ont un effet protecteur réel. On avait l’impression que les badigeons avaient seulement un effet décoratif. On constate que les badigeons protègent l’enduit au minimum 20 ans, souvent plus. Pendant que le badigeon s’use l’enduit n’est pas délavé par la pluie. La chaux des enduits sans badigeon est délavée et les grains de sable deviennent de plus en plus apparents avant de tomber.

L’élasticité d’un enduit doit être élevée (= module d’élasticité faible) et la résistance peut-être faible. La résistance est utile seulement en soubassement. En élévation la dureté rend l’enduit plus cassant, moins élastique et il souffre plus des chocs thermiques.

L’épaisseur est au minimum de 10mm sur les pierres les plus avancées . On va commencer par remplir les joints avant d’enduire pour éviter les surcharges à l’aplomb des joints creux.

Les sables terreux ne semblent pas altérer la durabilité des enduits, contrairement aux consignes admises. La terre constitue parfois une part importante de la charge d’un enduit. Il serait très intéressant d’étudier les réactions entre des terres plus ou moins argileuses et la chaux de préférence aérienne. Par extension, les réactions entre des chaux aériennes et des charges pouzzolaniques sont aussi une piste peu exploitée. Nous n’avons pas étudié les réactions pouzzolaniques dans le cadre de cette étude.

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 Résumé de l’étude en 3 croquis

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Télécharger l’étude complète et l’article

Article publié dans les Cahiers Techniques du Bâtiment de janvier 1996 – PDF  3 Mo

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6 réflexions sur “Un enduit adapté aux supports anciens : Portrait robot”

  1. bonjour;j ai une maison en pierres annee 1900 ;une cave voutee en bas ou l on tient aisement debout environ 1m80 de hauteur….j ai 1 source qui traverse et ne monte que de quelques cm ;;;environ 5 cm max jamais ete inondee et rarement le sol mouille ms la capillarite doit monter quand meme;;on me propose de mettre tradi chaux wasselonne MH…dans la composition on me dit chaux hydro naturelle sable de riviere et adjuvants;;;apparemment il n y aurait pas de ciment dedans mais dans le domaine d application on met enduit hydro batard norme p15 201 ref dut26;….MA QUESTION EST N Y A T IL VRAIMENT PAS DE CIMENT DANS CETTE CHAUX?cordialement

    1. Le mieux est de mettre un mortier vendu pour les soubassements, nommé « mortier d’assainissement » perspirant (par exemple une perméabilité > 9μ < "Mu"). La doc précise que "la Tradi’chaux Wasselonne est un mélange industriel de chaux hydraulique naturelle, de ciment Portland blanc, sables de rivière, ajouts et adjuvants".

  2. Bonjour,
    j’espère que vous ne vous sentez pas harcelé avec mes nombreuses questions. Je prends beaucoup de plaisir à lire vos articles…. et du coup j’ai de nouvelles interrogations:
    On trouve souvent deux approches en ce qui concerne les enduits de façade:
    1/ – tout en NHL
    2/- ou gobetis en NHL, corps d’enduit bâtardé HL + NHL et finition en HL

    >Qu’est-ce qui détermine ces deux stratégies différentes ?
    >Serait-il judicieux d’adapter ces méthodes à l’orientation des bâtiments ? Par exemple façade N et NO en NHL et façades S et SE en HL ?
    > Y a t-il une altitude au delà de laquelle on doit utiliser uniquement de la NHL ?
    > Si j’ai bien compris les joints ne doivent pas être plus durs que les pierres qu’ils jointent. Y a t-il une formulation type en fonction du type moellon (calcaire, granit etc ) ?
    Merci d’avance

    1. Une petite erreur de symbole s’est glissée dans mon message précédent, je voulais évidemment parler de Chaux aérienne CL90 à la place de HL.

    2. La chaux aérienne en sous couche doit être associée à une charge pouzzolanique (avec une chaux en pâte de préférence, plus réactive) , sinon on ne peut pas enchainer les couches. On doit attendre la prise aérienne, très longue. En finition par contre la chaux aérienne aura tout son temps (sauf si elle sèche trop vite). La finition à la NHL est plus adaptée aux climats froids ou aux façades exposées au vent dominant (pluie battante). Les joints formulés avec une NHL 3,5 seront toujours moins durs que les pierres même tendres. La chaux NHL 5 est à exclure (trop proche du ciment) et elle bloque trop les migrations même si elle est moins dure que les pierres dures.

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